Mutualisation du risque financier lié à la césarienne en RDC

Publié le 25/12/2010 à 19:33 par bukele Tags : mortalité femme création cadre femmes afrique congo

Résumé (*)


Introduction.En RDC, la mortalité maternelle est parmi les plus fortes en Afrique et même dans le monde, bien qu’en baisse depuis quelques années. Le taux est estimé à 549 pour 100.000 naissances vivantes en 2007 contre  1.290 en 1997. Dans la Zone de Santé rurale (ZSR) de Gombe Matadi, située dans la Province du Bas-Congo, ce taux atteignait 352  en 2001. L’indicateur s’est progressivement amélioré en passant à 78 en 2004 avant de remonter à 154 en 2005. Dans cette partie du pays, les prédispositions des femmes à des complications à l’accouchement sont présentes, notamment les bassins étroits des mères, la maternité précoce et une  césarienne antérieure. Pour sauver la vie de la femme et, ou de l‘enfant en cas d’impossibilité d’accoucher par voie basse, le recours à la césarienne est devenu fréquent. En revanche, le coût élevé de la chirurgie obstétricale est un obstacle majeur à l’accès pour un plus grand nombre de femmes qui en ont besoin et un véritable problème financier pour l’Hôpital général de référence (HGR) de Gombe Matadi face à la très grande pauvreté de la population.  La création d’un pool de risques liés à la césarienne a été considérée  par les autorités sanitaires locales comme une solution appropriée à la  problématique d’accessibilité financière à la césarienne et au recouvrement de frais de césarienne par l’HGR.  Quelles sont  les performances et les faiblesses de cette expérience de mutualisation du risque-césarienne ?


Méthodologie.Cette analyse est basée sur les résultats d’un rapport d’étude publié en 2006 sur ce mécanisme communautaire de partage du risque financier lié à la césarienne dénommé « Mutuelle de Femmes enceintes » (MFE). L’étude était financée par l’Unicef. Elle couvre une période de 5 ans allant de 2001 à 2004. L’enquête de terrain avait été effectuée du 26 au 28 juin 2005 dans la ZSR de Gombe Matadi. L’approche utilisée était inspirée de la méthode de l‘évaluation réaliste. Un profil de la ZSR et celui du système d’assurance césarienne ont été  élaborés sur base des informations et données obtenues notamment au moyen des interviews auprès des acteurs locaux  et dans les documents disponibles. Dans l’analyse, une interaction entre les deux profils a été recherchée pour comprendre le fonctionnement et l’insertion de l‘assurance dans le système sanitaire local.

 

Résultats.Démarré en janvier 2004, La MFE n’est pas une mutuelle de santé au sens classique. C’est une mise en commun des risques financiers liés à la césarienne par le regroupement de toutes les femmes enceintes pour couvrir les frais de césarienne pour celles qui en auraient besoin. Son but était d’améliorer le recouvrement des coûts liés à de nombreux cas de césariennes qui étaient enregistrés et pris en charge dans l’HGR de la ZS. L’assurance couvre toute la Zone de Santé dans laquelle elle est complètement intégrée.

L’étude permet d’observer que depuis la mise en  place du système, ce dernier a permis d’accroitre le nombre de candidates à la césarienne. La pauvreté généralisée dans la ZS est le principal obstacle financier à l’accès au système tandis que le relief accidenté et la distance sont les principaux obstacles à l’accessibilité géographique aux soins. Le faible dynamisme sociocommunautaire n’influence que très peu les performances de ce système. Le taux de pénétration est de 65,7 % avec une cotisation par épisode de grossesse de 0,70 USD tandis que le taux d’utilisation de la césarienne est de 3 %.

Sur le plan financier, nous avons noté que la MFE connaît de problèmes de trésorerie (déficit  chronique) et de nombreuses difficultés liées à la gestion (manque d’outils de gestion et de coordination). Les documents de monitorage fournissent très peu d’informations nécessaires à  une gestion efficace. Il n’y a pas de mécanismes appropriés de suivi du recouvrement des cotisations.


Discussion. En raison de la pauvreté de la population, l’obstacle financier demeure, comme pour tout système de micro-assurance en Afrique, le principal obstacle à une meilleure  couverture du risque césarienne par la MFE.

Le mécanisme est de type HMO. Le rôle d’animation et de gestion du système repose fondamentalement  sur l’Equipe cadre de la ZS (ECZS). L’appui du Bureau central de la ZS (BCZS)  est déterminant dans la perpétuation du système. Le système  qui est, bien entendu, en déficit financier chronique, est naturellement subventionné par le BCZS. Toutefois, sa gestion de type empirique, la logique de mise en œuvre et la philosophie de gestion du système se résument en une  logique d’apprentissage ou d’essai-erreur. Ce qui met l’évolution du système en proie à des difficultés pourtant évitables, rencontrées dans beaucoup de systèmes en Afrique.

Le design du système est adapté aux exigences du contexte local, avec notamment la prise en compte de la pauvreté de la population  et la couverture d’un besoin précis (césarienne).Ce qui donne au système toute sa pertinence aux yeux de la population cible et accroît son potentiel de résolution de la problématique de l’accessibilité à la chirurgie obstétricale. En revanche, à cause du ciblage d’un service offert précis (césarienne), la sélection adverse qui parait très croissante contribue à l’asphyxie financière du système.

 

Théophane Bukele, MPH


(*) Cet essai a été retenu par le Comité scientifique de l'Association Africaine de Politique et Economie de la Santé (AfHEA) comme poster à la Conférence qui se tiendra à Dakar en mars 2011.